Marx contre le mérite
Patrick Massa
L’idéologie
méritocratique qui constitue un élément
structurant de la conscience de soi de la bourgeoisie depuis ses origines et un
opium du peuple particulièrement efficace est de plus en plus portée par une
propagande omniprésente. L’affaiblissement du mouvement ouvrier a permis le
déploiement d’une contre-offensive idéologique de grande ampleur. Quoique
foncièrement utopique, la réalisation de l’égalité des chances semble être
devenue le seul horizon d’attente de notre époque[1].
Exit l’abolition de l’exploitation, la méritocratie apparaît à la fois plus
juste et plus réaliste.
Il s’agit évidemment de
faire rêver les exploités en leur faisant miroiter l’accession, non plus à la
bourgeoisie puisque les classes sont censées avoir disparu, mais à
« l’élite ». Au lieu d’être solidaires afin d’assurer leur
promotion collective, les travailleurs devraient entrer dans le jeu de
l’individualisme compétitif, s’identifier aux « entrepreneurs »
et quitter au plus vite les rangs de leur classe. Bref, remiser la lutte des classes au profit de la
lutte des places. Angie, l’héroïne du film de Ken Loach It’s a Free World,
incarne bien le type humain que les libéraux cherchent à promouvoir. Cette
fille de docker, victime d’un licenciement abusif, arrive à s’en sortir avec
cynisme en créant une société de recrutement de travailleurs immigrés
surexploités. Belle réalisation du bellum omnium contra omnes qui
constitue l’essence de la concurrence capitaliste ! Les mécanismes
structurels qui entretiennent la reproduction sociale n’ayant nullement
disparus, l’apologie du mérite vise à produire un effondrement de l’estime de
soi chez les dominés. S’ils restent au bas de l’échelle dans une société
soi-disant « ouverte », c’est qu’ils manquent d’énergie ou de
capacités, ils ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes. L’avantage, c’est que
des individus persuadés de leur indignité ne risquent pas d’avoir la force
morale nécessaire pour résister au talon de fer du Capital. On comprend
l’intérêt qu’avait le ministre sarkozyste Xavier Bertrand à dénoncer, lors
d’une convention de l’UMP consacrée à la « justice sociale »
Olivier Besancenot accusé de vouloir « faire croire que le travail est
honteux, que la réussite est coupable, que le mérite n’existe pas »[2].
On pourrait
penser que des penseurs se réclamant de Marx ont eu à cœur de contre-attaquer
sur ce front. Or, certains théoriciens marxistes n’hésitent pas à faire des
concessions. Gerald Allan Cohen, fondateur du marxisme analytique influent dans
le monde anglo-saxon, ne s’est-il pas fait le chantre d’un « principe
radical d’égalité des chances » qu’il a baptisé « égalité
socialiste des chances »[3] ?
Cohen se situe dans le cadre de la philosophie politique normative qui s’est
développée à partir de Rawls et il s’inspire de Dworkin qui postule qu’une
théorie de l’égalité efficace ne peut être qu’une théorie de l’égalité des
chances car l’attachement des individus au principe moral de la responsabilité
individuelle serait tel qu’il n’y aurait pas d’autre voie pour être audible[4]. S’agit-il ici d’une ouverture intellectuelle
ou d’un éclectisme sans principes ?
Il faut refuser le dogmatisme qui consisterait à refuser d’enrichir le marxisme
en le confrontant à d’autres pensées. La science sociale académique réputée la
plus conformiste peut très bien venir renforcer la validité de la conception
marxienne de la structure de classe[5].
Mais la légitimité intellectuelle de certaines synthèses mérite d’être
interrogée. Marx est sans conteste un
excellent sociologue de la mobilité sociale[6].
Cela ne suffit pas pour en faire un philosophe de l’égalité des chances.
Le mythe de
l’égalitarisme marxiste
L'exigence
morale et la référence à la justice n'ont selon la conception matérialiste de
l’histoire aucune valeur pour comprendre et pour agir. Elles ne peuvent que
désorienter le prolétariat en le détournant de la lutte contre l’exploitation. Cohen repère chez Marx
l’omniprésence d’une métaphore obstétrique. Il faut aider à accoucher la
société nouvelle, et contrairement à l’ingénieur la sage-femme n’a pas besoin
d’imaginer une société juste[7].
Mais, après la révolution, ne faudra-t-il pas fonder l'ordre nouveau sur un
principe de justice distributive ? Cela peut sembler d'autant plus
indispensable que la disparition de la «
loi de la valeur » qui assure une distribution spontanée des revenus oblige
à concevoir une régulation consciente. Mais Marx s'est bien gardé de dresser
les plans de la société future. Malgré l'indétermination volontairement
entretenue, il n’en reste pas moins qu’il est aisé de démontrer que le projet
marxien n’a rien de commun avec une pensée de l’égalité des chances.
Egalité des chances et inégalités des résultats
s’impliquent logiquement. Marx serait-il donc un adversaire de l’égalité des
chances parce qu’attaché à une philosophie égalitariste ? C’est un lieu
commun de l’affirmer. Les hebdomadaires pour cadres ne sont pas les seuls à
propager ce cliché, Jean-Fabien Spitz dans Le Moment républicain en France
construit une opposition entre une tradition républicaine porteuse de l’idéal
d’égalité des chances et un socialisme défini comme niveleur car partisan de
l’égalité des jouissances. La première serait à redécouvrir, et il la loue
comme un juste milieu entre égalitarisme marxiste et ultra-libéralisme. Spitz
met en scène un antagonisme entre socialisme et républicanisme mais d’autres
penseurs qui se réclament d’un « socialisme libéral », tels
Monique Canto-Sperber ou Serge Audier, préfèrent la voie de la synthèse tout en
partageant avec lui le choix de l’égalité des chances contre le nivellement
égalitariste. Pour tous, il s’agit d’exhumer une tradition méritocratique qui
aurait été occultée par l’hégémonie durable du marxisme. Or la pensée marxienne
n'est pas une pensée de l'égalité. Engels est catégorique : « L'expression "destruction de toute
inégalité sociale et politique" au lieu de "abolition de toutes
les différences de classes" est également très suspecte. D'un pays à
l'autre, d'une province à l'autre, voire d'un endroit à l'autre, il y aura
toujours une certaine inégalité dans les conditions d'existence, inégalité que
l'on pourra bien réduire au minimum, mais non faire disparaître complètement.
Les habitants des Alpes auront toujours d'autres conditions de vie que les
habitants des plaines. Se représenter la société socialiste comme l'Empire de l'égalité est une conception française trop étroite et qui s'appuie sur la
vieille devise Liberté, Egalité,
Fraternité »[8].
Dans L’Anti-Dühring , il décrypte derrière la revendication
ouvrière d’égalité la volonté d’abolir les classes. Les masses auraient donc
tendance à formuler de façon inadéquate le programme de la révolution. Le titre
du chapitre « La morale et le droit. L’Egalité » indique déjà
à quel point le prise de distance est profonde[9].
Nul n’est censé ignorer que Marx s’en est pris vivement dans les Manuscrits
de 1844 à ce qu’il a baptisé le « communisme grossier » à
qui il reproche de vouloir « faire de force abstraction du
talent »[10].
Il y voit l’expression d’une impulsion niveleuse née de l’envie, cette envie
qui constitue le moteur de la concurrence dans le monde bourgeois. On pourrait multiplier les exemples de propos
récusant l’assimilation du communisme à l’égalité, la liste en a été établie et
elle est fort longue[11].
Ce que
condamne Marx, ce n'est pas l'inégalité, c'est l'exploitation, «
l'extorsion de la plus-value », c'est-à-dire l'appropriation par un groupe
social des fruits du travail d'un autre groupe. Les deux phénomènes ne sont pas
identiques, les anthropologues marxistes savent bien que la première est
apparue bien avant la seconde[12]. Des sociologues
marxistes qui ont choisi de titrer un de
leurs livres Qui travaille pour qui ? ont su être virulents : « Mais la notion d'inégalité est-elle bien
apte à rendre compte de la situation ? C'est Rousseau qu'il faut dépasser et
non pas Marx, car ici le discours sur les inégalités ne suffit plus. (...) Ce n'est pas de partage qu'il convient de
parler ici, mais de pillage. Et un pillage ne saurait se penser en termes
d'inégalités : la plus-value n'a rien à voir avec un gâteau ; elle ne se
partage pas, elle s'extorque. »[13] Or, ici, le marxisme analytique se sépare
nettement de Marx. John Roemer est passé en 1998 d’une théorie de
l’exploitation à une théorie de l’égalité des chances, évolution qui lui a
semblé nécessaire justement à partir du moment où il a décidé de tenir compte
de la notion de responsabilité individuelle[14].
Philippe Corcuff, bien que favorable à une articulation entre les théories de
la justice et la pensée marxienne, a dû admettre l’absence d’une théorie de
l’exploitation chez Rawls[15].
Ajoutons qu’une telle articulation ne va pas de soi car l’exploitation est un
rapport social. James Cannon a dû répliquer à un juge : « Oui, je veux bien concevoir que même
un ouvrier peut être surpayé – un ouvrier improductif, maladroit ou négligent.
Mais […] Le marxisme travaille sur le général, et pas
sur l’analyse de chacun et de tous les individus ouvriers »[16].
En
n'interdisant pas a priori
l'existence d'inégalités, la position de Marx rendrait donc théoriquement
possible l'inscription de sa pensée dans une problématique de l’égalité des
chances. Mais il récuse tout autant l'égalité « géométrique » que l'égalité «
arithmétique » .
A chacun
selon son travail ?
Il faut
revenir sur la Critique du programme de Gotha puisqu’il s’agit d’un des
rares textes où Marx précise sa vision de la société de l’avenir. Distinguant
deux phases historiques successives, il prétend que la première sera régie par
le principe « à chacun selon ses contributions » et que la seconde
prendra pour devise « De chacun selon ses
capacités, à chacun selon ses besoins »[17].
Avant de les examiner, il est essentiel de comprendre que «Marx a une théorie de la justice hiérarchisée, puisque le principe de
contribution est le second meilleur critère quand le principe de besoin n'est
pas historiquement mûr pour être appliqué. […] Mais dans la société communiste pleinement développée, il est lui-même
condamné au nom d'un principe supérieur »[18].
Mais, en attendant la réalisation de l'abondance qui permettra de passer au
communisme intégral, le principe méritocratique ne sera-t-il pas amené à
réguler la société pendant la « phase inférieure » ? Etant
donné qu'atteindre celle-ci a été compris comme le seul objectif réaliste à
moyen terme, cela lui donnerait malgré tout une grande importance. La réponse à cette question ne peut être que
franchement négative. Tout d’abord, il est douteux que la société socialiste
décrite par Marx soit fondée sur une conception distributive de la justice
puisqu’il reproche à ses disciples allemands d'avoir repris à leur compte les
revendications de Lassalle sur le «
partage équitable » et sur le droit
du travailleur au produit intégral de son travail. Cette revendication qui a
été portée par des socialistes ricardiens n’est guère éloignée de l’approche
libertarienne d’un Nozick. Donner un tel fondement au socialisme serait absurde
car c'est oublier qu'il faut opérer une série de défalcations avant de penser à
distribuer la richesse collective afin de pourvoir à la poursuite de
l'accumulation et au financement de la consommation collective. « Ces défalcations, précise Marx, ne peuvent
en aucune manière être calculées sur la base de l'équité. […] Le partage individuel n'intervient donc qu'à
l'intérieur et dans les limites de ce partage social. […] La reproduction d'ensemble prime la
distribution individuelle. Les grandes décisions d'allocations de ressources
relèvent d'abord de choix politiques. »[19]
Concevoir le socialisme comme une juste distribution est absurde pour une autre
raison. Marx a analysé la constitution progressive par le capitalisme d’un
travailleur collectif. L’individualisation de la rétribution devient impossible
d’autant plus que l’efficacité du travail social dépend aussi de l’accumulation
des savoirs au fil des générations précédentes. Si Misère de la philosophie
s’en prend si vivement à Proudhon, c’est précisément parce qu’il méconnaît
cette réalité[20].
Cependant, une fois effectuées les défalcations, la Critique du
programme de Gotha soutient que « le
producteur reçoit donc individuellement l'équivalent exact de ce qu'il a donné
à la société »[21]. Marx semble ici se contredire. La relecture
hétérodoxe de ce texte par Isabelle Garo peut permettre d’y voir clair. Il
n’adhèrerait nullement à une théorie des deux phases et au principe de
contribution, ce serait une nécessité pédagogique à l’égard des dirigeants du
parti d’Eisenach qui l’aurait amené à feindre de prendre au sérieux ce principe
issu du « socialisme vulgaire » tout en cherchant par ses
commentaires à atténuer la portée de cette bévue théorique[22]. Il n’en reste pas moins
que la lecture jugée fautive s’est imposée pendant plus d’un siècle. Il reste
donc légitime de l’interroger.
Marx ne
reconnaît donc comme admissible que le partage en fonction du « quantum individuel du travail »[23].
Si l'on dégage les implications de ce principe, il en ressort qu'il rend la
méritocratie quasi impossible. En effet, contrairement à ce que prétendront
ultérieurement les auteurs soviétiques soucieux de trouver des justifications
aux fortes inégalités caractérisant leur société, Marx refuse de tenir compte
de la qualification du travail : seule la quantité résultant de la durée et de
l'intensité importe[24].
Quand Lénine a dû se résoudre à accorder des traitements supérieurs aux « spécialistes », il a admis sans
hésiter qu'il s'agissait d'une entorse aux principes, d'un « pas en arrière » imposé par une conjoncture politique difficile[25].
Or, avec le critère marxien, les écarts de rémunération ne risquent guère
d'être considérables et il est plausible que les aspirations à gravir une
échelle aux barreaux si rapprochés aient tendance à s'anémier.
Le refus de
prendre en compte la qualification n'a rien de contingent. Admettre de payer
plus cher le travail qualifié, c'est admettre le maintien de la « loi
de la valeur » qui régit les systèmes économiques fondés sur l'échange de
marchandises. Même si l'acheteur était la collectivité, la force de travail
resterait donc une marchandise vendue à sa valeur. La contradiction avec le
projet affiché d'« abolition du salariat
» serait patente, car : «
Pour le socialisme, qui veut émanciper la force de travail humaine de sa
position de marchandise, il est d'une haute importance de
comprendre que le travail n'a pas de valeur et ne peut en avoir.»[26].
Même en admettant que le régime socialiste devrait reconnaître la valeur
supérieure du travail qualifié, cela ne saurait conduire à une forte inégalité
des rémunérations. En effet, la valeur de la force de travail est déterminée
par la quantité de travail abstrait simple socialement nécessaire pour la
produire, l’entretenir et la reproduire. Cet étalon permet de projeter
sur une échelle quantitative unique les différences qualitatives. L'«
usure » de la force de travail n'étant nullement plus rapide chez les
travailleurs qualifiés, ce n'est pas le coût de sa reconstitution physiologique
qui va être le facteur décisif. Les différences de valeur entre les différents
types de travaux correspondent donc aux différences de coûts de formation,
c'est-à-dire aux frais d'apprentissage proprement dit, à l'entretien du futur
travailleur qualifié pendant ses années d'études supplémentaires et à la perte
de revenu résultant de son entrée plus tardive dans le monde du travail. Aux
coûts de la formation initiale, il faut ajouter les frais d'entretien de la
qualification (recyclage, achats de livres, etc.). Une série de travaux
marxistes ont cherché à quantifier les écarts créés par cette loi. Les auteurs
de La Petite bourgeoisie en France ont largement contribué à familiariser
les lecteurs français avec cette approche en calculant en 1974 les salaires que devraient toucher chaque
catégorie sociale et ils ont poursuivi leur entreprise de quantification dans Qui
travaille pour qui ? en 1979[27].
Ils en concluent que l’application de la loi de la valeur aboutirait à des
différences de salaires très inférieures à celles du capitalisme réellement
existant. Ce sont des stratégies d’alliances de classes qui amènent la
bourgeoisie à pratiquer des prix politiques afin de s’assurer de la fidélité de
« classes appui ». « Sursalaire » et « rétrocession
de la plus-value » aux cadres sont des outils de la stabilité sociale[28].
La structure de classe surdétermine l’économie pure. Dès 1949, Castoriadis,
alors encore marxiste, avait calculé que la loi de la valeur ne peut conduire
qu'à une différence du simple au double entre le salaire du manœuvre sans
qualification et celui de l'ingénieur hautement qualifié[29].
De surcroît, la socialisation des coûts de formation de la main d'œuvre dans
une société socialiste ôte tout fondement à la rétribution supérieure du
travail qualifié. Engels avait été très clair sur ce point : « Comment se résout dès lors toute cette
importante question de la rétribution plus élevée du travail composé ? Dans la
société des producteurs privés, ce sont les personnes privées ou leurs familles
qui supportent les frais de la formation de l'ouvrier qualifié ; c'est aux
personnes privées que revient donc d'abord le prix plus élevé de la force de
travail qualifiée : l'esclave habile se vend plus cher, le salarié habile se
rétribue plus cher. Dans une société à organisation socialiste, c'est la
société qui supporte ces frais. C'est donc à elle qu'en appartiennent les
fruits, les valeurs plus grandes du travail composé une fois qu'elles sont
produites. L'ouvrier lui-même n'a pas de droit supplémentaire. » [30].
Castoriadis est
revenu maintes fois sur ce point en signalant qu'une telle socialisation était
déjà bien engagée dans le capitalisme contemporain afin de défendre sa thèse de
l'égalisation intégrale des revenus. Mais il semble que ce que disait
Engels ait été quelque peu oublié par les marxistes eux-mêmes. Pierre Jalée
reprend sa thèse à son compte mais en se contentant de l'attribuer à «certains »[31].
Il est permis de voir dans cette infidélité flagrante aux principes un effet de
la pression idéologique exercée par le stalinisme. Les idéologues officiels des
« démocraties populaires » ont évidemment tenté de justifier
les fortes inégalités par l'exégèse des textes fondateurs et ils ont pu
profiter du laconisme de Marx à propos de la société de l’avenir[32].
Cette situation n’a pas été sans effet sur les marxistes occidentaux et un
Charles Bettelheim a pu tenter après la Seconde Guerre mondiale, dans La
Planification soviétique et Les Problèmes théoriques et pratiques de la
planification, une légitimation subtile de la part exorbitante prélevée par
la bureaucratie soviétique pour sa consommation improductive, en partant
notamment de la distinction travail simple/travail complexe rendant ainsi
possible une justification des inégalités à l’Est se fondant sur une idéologie
méritocratique. Il ne faisait ainsi que
transfigurer la conscience de soi de la bureaucratie puisque celle-ci a
effectivement développé un discours de l’égalité des chances qui n’était pas
sans analogie avec le mythe américain de la société ouverte[33].
Castoriadis avait alors contre-attaqué violemment en revenant à la problématique marxienne authentique.
Fermons cette parenthèse sur les déformations subies par la théorie marxienne
du fait des vissicitudes tragiques de l’histoire. Il est clair qu’avec une
hiérarchie salariale aussi drastiquement resserrée que le préconise Marx pour
la « phase inférieure », l’idée d’égalité des chances perd
quasiment tout fondement objectif et subjectif. Et il ne saurait être question
de méritocratie puisque l'analyse économique marxiste des différenciations de
salaire prétendant fournir une explication et non une justification, on ne
saurait y voir la présence d’une dimension éthique. De même, s'il admet
momentanément une distribution en fonction du travail fourni, c'est en partant
de considérations instrumentales. Même si l’on s’en tient à la lecture
habituelle de la Critique du programme de Gotha, il est clair que
« à chacun selon son travail » n’est qu’un pis-aller, un principe
fonctionnel subordonné à la finalité de maximiser la croissance des forces
productives qui permettra l’éclosion du communisme. Cette maximisation est
indispensable car, L’Idéologie allemande est ici catégorique, sans l'abondance,
« on ne ferait que généraliser la
pénurie, donc, avec le besoin, l'empoignade pour le nécessaire ne pourrait que
recommencer et toute la vieille merde se reproduire »[34].
La récompense ne correspond donc nullement à des droits inviolables, elle se justifie
uniquement de façon conséquentialiste. C’est à juste titre qu’Amartya Sen a pu
évoquer « son scepticisme quant à la
profondeur morale des droits issus du travail. » [35] Bref,
avec la phase inférieure, on reste bien en deçà de la justice. Mais en
réalité il n’est pas avéré qu’il préconise réellement la nécessité d’une telle
étape caractérisée par un principe régulateur défini à l’avance. Ce dernier
ressemble bien trop aux systèmes de « bons du travail » destinés à
supplanter l’argent qui ont suscité son ironie mordante. Pour prendre la pleine
mesure de la radicale hostilité de Marx à l’idéologie du mérite, c’est donc sur
la façon dont il présente la « phase supérieure du
communisme » qu’il faut s’arrêter.
Un refus de
la mise en équivalence et du calcul
« L'horizon borné
du droit bourgeois » ne s'impose que parce que « ce à quoi nous avons affaire ici, c'est à une société communiste non
pas telle qu'elle s'est développée sur les bases qui lui sont propres, mais,
au contraire, telle qu'elle vient de sortir de la société capitaliste; une société par
conséquent qui, sous tous les rapports, économique, moral, intellectuel, porte
encore les stigmates de l'ancienne société des flancs de laquelle elle est
issue. »[36]
Pourquoi le principe de contribution est-il si critiquable ? « C'est
manifestement ici le même principe que celui qui règle l'échange des
marchandises pour autant qu'il est échange de valeurs égales. […] Le droit égal est donc
toujours ici, dans son principe... le droit bourgeois […] C'est donc, dans sa teneur, un droit fondé
sur l'inégalité, comme tout droit. Le
droit par sa nature ne peut consister que dans l'emploi d'une même unité de
mesure; mais les individus inégaux (et ce ne seraient pas des individus
distincts, s'ils n'étaient pas inégaux) ne sont mesurables d'après une unité
commune qu'autant qu'on les considère d'un même point de vue, qu'on ne les
saisit que sous un aspect déterminé; par exemple, dans le cas présent, qu'on ne
les considère que comme
travailleurs et rien de plus, et
que l'on fait abstraction de tout le reste. D'autre part : un ouvrier est
marié, l'autre non ; l'un a plus d'enfants que l'autre, etc., etc. A égalité de
travail et par conséquent, à égalité de participation au fonds social de
consommation, l'un reçoit donc effectivement plus que l'autre, l'un est plus
riche que l'autre, etc. Pour éviter tous ces inconvénients, le droit devrait
être non pas égal, mais inégal . »[37]
Cette orientation n’a rien d’original, tout approfondissement de la réflexion
sur la justice distributive y aboutit et il n’est guère surprenant que ces « gloses
marginales » se situent dans la droite ligne du Politique de
Platon et du Livre V de L’Ethique à Nicomaque.[38]
Mais l’insistance sur l’incommensurabilité des êtres ne doit pas ramenée
uniquement à la rigueur du raisonnement, il n’est pas absurde d’y déceler la
position éthique de Marx.
Que la devise
de la seconde phase « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses
besoins » échappe à l'univers de la justice distributive ne fait aucun
doute puisque celle-ci implique une mise en équivalence des hommes et des
biens. Or comme le souligne Luc Boltanski «
la position éthique de Marx est caractérisée par un refus de ce qui fait
équivalence ». C'est ce refus
d'admettre que les hommes soient soumis au calcul, ce qui instaure des
relations d'intérêt, qui explique l'importance qu'il donne au dépassement de la
division du travail. En se refusant à établir un étalon de valeur, en se
désintéressant du mérite, la Cité communiste relèverait de ce que les théologiens
nomment l'Agapè. Pour la comprendre,
il faudrait lire non Le Capital mais les paraboles évangéliques ou les Fioretti[39]
! L'horreur du calcul repérée par Luc Boltanski est bien réelle. Ce n’est pas
sans dégoût que dans L’Etat et la révolution Lénine évoque « "l'horizon borné du droit
bourgeois", qui oblige à calculer avec l'âpreté d'un Shylock »[40].
Quant à Engels, dans ses travaux préliminaires pour l’Anti-Dühring, il
ironise : « Celui qui persistera à réclamer avec pédantisme la
livraison de sa part égale et juste des produits (il) sera tourné en
ridicule par la livraison du double »[41].
Cette perspective permet de mieux comprendre la formule énigmatique d’un
communisme récusant l’égalité : « La
célèbre formule du communisme, si elle n'est pas anti-égalitaire, adopte en un
certain sens un caractère neutre, jusqu'à prendre une résonance insolite et
inattendue ». Le passage au communisme «
n'est pas montré comme l'extension à une conquête égalitaire
"régulatrice" […] mais
comme une suppression de la mesure, ce qui ne biffe pas mais "libère"
les inégalités naturelles en les rétablissant dans une pure dimension de la
"diversité" »[42].
Refus de la mesure donc.
Mais, parmi ce qui est soumis à la quantification, qu’est-ce qui choque
particulièrement Marx ? Une des tares du principe de contribution
est essentielle pour la question qui nous occupe : « Ce droit égal est un droit inégal
pour un travail inégal […] il
reconnaît tacitement l'inégalité des dons individuels et, par suite, de la
capacité de rendement comme des privilèges naturels. » Ici, c’est le cœur de l’idéologie du mérite
qui est visé puisqu’elle prétend qu’il est légitime d’étalonner les individus
en fonction de leurs performances. Le discours de l’égalité des chances peut
être plus ou moins rigoureux. Il peut se contenter de laisser jouer les
compétences dans la compétition en préconisant la disparition des obstacles
juridiques et statutaires. C’est ce que Rawls nomme « le système de la liberté naturelle » caractérisé par « l’égalité définie par les carrières ouvertes aux talents »[43]. Quand on va plus loin, on aboutit
généralement à « l’égalité
libérale » qui récuse la
légitimité des avantages tirés des capacités créées par le milieu social
d’origine. Cette démarche est familière à nos contemporains qui oublient que
dans cette optique « génocratique », la hiérarchie sociale devrait être le
reflet de la loterie génétique[44]. En s’en prenant à la légitimité des avantages
donnés par le talent, Marx frappe au cœur la méritocratie. Allant à la racine
du problème, c’est d’ailleurs la naturalité même du talent qui est interrogé. S’appuyant
sur Smith et Ferguson il affirme dans Misère de la philosophie : « Dans
le principe, un portefaix diffère moins d’un philosophe qu’un mâtin d’un
lévrier. C’est la division du travail qui a mis un abîme entre l’un et
l’autre »[45]. La même idée se trouvait déjà dans Les Manuscrits de 1844[46]
et dans La Sainte Famille, il voyait dans la théorie des matérialistes
français du XVIII° siècle, celle d’Helvétius en particulier, des dons intellectuels
égaux et de la toute puissance des circonstances une affinité évidente avec le
communisme. La pensée de Marx relève
d’une « anthropogogie », c’est-à-dire d’une théorie de la
plasticité des êtres humains, capables à priori des mêmes réalisations, les inégalités
constatables découlant d’un différentiel de qualité de la formation offerte par
les milieux qui les façonnent[47].
Vouloir récompenser les talents est donc foncièrement absurde. Mais les
idéologues de la méritocratie qui ont la lucidité de reconnaître, soit que « les
dons n’existent pas », soit que, s’il existe, un capital génétique est
tout aussi arbitraire qu’un capital familial et doit donc être rangé parmi les « facteurs
parasites » qu’une méritocratie se doit de neutraliser, font alors de
l’effort le seul critère pertinent. Or, quand Marx discute du principe de
contribution, il ne part nullement à la recherche de cette chimère qu’est
l’effort pur, expression du libre arbitre de l’individu. Comment le
pourrait-il, lui qui a soutenu dans La Sainte Famille qu’ « il
ne convient pas de châtier les crimes dans l’individu, mais de détruire les
endroits antisociaux où naissent les crimes »[48] ?
Le juriste soviétique Pasukanis a exprimé adéquatement cette perspective quand
il a soutenu que la justice se devait d’abandonner les notions de culpabilité
et de peine, la défense sociale contre les délinquants prenant dans la société
nouvelle la forme d’une action de rééducation de nature médicale et pédagogique[49].
Avec l’Etat, c’est aussi le droit qui doit dépérir. Nous sommes ici aux
antipodes des théoriciens de la justice qui cherchent à isoler ce qui relève de
l’individu, cet effort non conditionné qui intéresse tant un Roemer. Marx se
contente de constater dans ses Gloses marginales qu’il y a des « capacités
de rendement » inégales et il semble même ici les considérer comme
naturelles. Mais leur origine n’est pas essentielle puisqu’il nie ailleurs
cette naturalité. S’il faut récompenser un rendement supérieur, ce n’est
nullement parce qu’il faut y voir un quelconque mérite. On pourrait même dire
que Marx semble se situer dans le cadre des théories les moins exigeantes de
l’égalité des chances puisqu’il ne cherche pas à opérer un tri entre critères
pertinents ou non. Mais c’est parce qu’il ne se situe aucunement sur le terrain
de la valeur morale. Il tient simplement compte du fait que après la
révolution, les hommes seront encore dominés par une mentalité égoïste héritée
du passé et entretenue par la persistance d’une pénurie relative. Le travail
n’étant pas encore devenu le « premier besoin vital », une
sorte de salaire au rendement sera encore nécessaire pour combattre la tendance
à s’y dérober.
Mais le contraste avec le marxisme analytique est tout
aussi patent. En quoi consiste donc « l’égalité socialiste des chances »
que préconise G. A Cohen ? Elle « vise à corriger tous les
désavantages subis, tous ceux dont le sujet ne saurait être tenu pour
responsable, qu’il s’agisse de handicaps sociaux ou naturels » afin
que « les différences de revenu ne renvoient qu’à des différences de
goûts et de choix »[50]. On retrouve à l’arrière-plan de cette
définition la volonté d’intégrer le concept de responsabilité individuelle à la
réflexion. Il se situe dans la lignée de Dworkin pour qui une distribution
juste doit être indépendante par rapport aux dotations initiales et doit
refléter les différences d’aspirations. Le principe de contribution
correspond-il au principe de Cohen ? En partie puisque « à chacun
selon son travail » c’est légitimer le revenu supplémentaire de celui qui
arbitre en défaveur du loisir. Mais Marx admet qu’on récompense une capacité de
rendement supérieur quelle qu’en soit l’origine. C’est dire qu’il refuse de se
situer dans une problématique qui oppose les circonstances et les choix, et
cela car, en définitive, il récuse l’idée même de justice distributive.
Son
aristotélisme joue aussi dans le même sens car son « refus de reconnaître une inégalité de talents
s'inscrit […] dans le cadre du
rapport qu'il établit entre puissance et acte. Il est déterminé par la volonté
de maintenir une incertitude radicale sur les puissances dont sont dépositaires
les personnes et qui, ne se révélant que dans l'effectuation par des actes, ne
sont jamais complètement dévoilés parce que la possibilité d'agir n'est jamais
close. » Il veut « maintenir l'incertitude la plus
radicale sur les puissances des personnes, précisément pour empêcher qu'elles
puissent faire l'objet d'un calcul. »[51]
Le calcul est d’autant plus évacué que Marx
voit dans le communisme une société d’individus qui s’épanouissent dans un
travail créateur qui leur permet d’accomplir toutes leurs potentialités mais
dans un univers où toute compétition a disparu[52]. La comparaison envieuse, moteur de toute
méritocratie, n’a pas sa place dans son modèle de vie bonne. Et on se situe
clairement dans un au-delà de la justice puisque avec la rareté et
l’amour-propre, ce sont les deux «
circonstances de la justice » qui rendaient selon Hume indispensable
l'élaboration d'une règle pour répartir les biens qui s’évanouissent.
Marx se situe
hors du cadre d’une problématique de la justice pour trois autres raisons. La justice n’est qu’une vertu corrective dont
une société bonne peut se passer, elle n’est qu’une triste nécessité du présent
dans une société où règne l’antagonisme des intérêts, mais elle a tendance à
étouffer l’expression spontanée de la sociabilité. Court est le chemin menant
de la conscience d’avoir des droits à la mesquinerie revendicative[53].
Que l’on pense à la critique de la Déclaration des droits de l’homme comme
déclaration des droits de la monade égoïste dans La Question juive. Se
soucier de justice distributive c’est se centrer sur le « partageable »,
mais la vie de la cité ne s’y réduit nullement. A côté de cette sphère, il y a
celle du « participable »[54]. Avant même d’avoir atteint la phase
supérieure du communisme, il semble évident que les considérations de Marx sur
la communauté des producteurs associés soumettant à un contrôle commun la
production, autrement dit la dimension autogestionnaire du marxisme, l’amène à
accorder la priorité à la seconde dimension.
La distinction qu’opère Axel Honneth entre deux types de « carences
sociales » offre l’occasion de pointer une dernière raison du refus
marxien de se situer dans une problématique de justice distributive. Cet
héritier de l’Ecole de Francfort oppose les « injustices » que
définit la « philosophie politique » et les « pathologies »
de la vie sociale que traque la « philosophie sociale ». Dans cette dernière optique, la question
n’est pas celle du suum cuique mais celle de la réalisation de soi
réussie. Si la visée de l’abolition de l’exploitation relève de la première
perspective, celle de la désaliénation par le travail auto-déterminé la dépasse
manifestement[55].
Le chemin
ouvert par G. A Cohen et son « égalité radicale des chances » ne nous semble donc
pas ouvrir la voie à un renouveau de la critique sociale. Certes, les marxistes
analytiques cherchent à dépasser une égalité formelle puisqu’ils se soucient de
la répartition des ressources. Mais séparer ce qui relève du hasard ou du choix
est impossible, le choix pur, détaché de tout déterminisme, étant aussi
chimérique que l’effort pur, même J.-B. Spitz le reconnaît[56]. Sur un plan plus
directement politique, s’engager dans cette voie au nom de la prise en compte
de la sensibilité de l’opinion ressemble fort à une capitulation. Ce qui est
visé n’a plus rien de commun avec ce que Marx entendait par communisme. Cela
confirme sur un point précis la justesse des analyses de Daniel Bensaïd qui
avait consacré un chapitre entier de son Marx l’intempestif à la
critique du marxisme analytique et à sa prétention à concilier matérialisme
historique d’une part, individualisme méthodologique et théorie de la justice
de l’autre. Dans La Discordance des
temps, il avait eu le mérite de rappeler l’incompatibilité entre le
contractualisme qui constitue le fondement des théories de la justice et le
marxisme. On comprend qu’on ait pu juger que le marxisme analytique, c’est « Making Nonsens of Marx »[57] !
L’examen de « l’égalité socialiste des chances » nous a amené
fort loin de notre présent où sévit si fortement la violence symbolique de
l’idéologie méritocratique[58]. Mais ce détour n’a pas
pour but de nous amener à contempler l’Idée du communisme en tant qu’horizon
abstrait déconnecté des luttes. Il ne signifie pas non plus que rien ne nous
paraisse problématique dans le raisonnement marxien. On peut, crise écologique
oblige, s’interroger sur « le joker de l’abondance » qui
dispenserait la société d’arbitrages[59].
Et sa vision du communisme peut, par son optimisme extrême, prêter le flanc à
la critique. Rancière ironise sur le théoricien qui ne voit pas quel bonheur il
pourrait promettre à l’individu ne sachant pas lire dans le texte Eschyle,
Cervantès, Shakespeare et Dante[60] ! Quant à la
critique dans L’Idéologie allemande de la « concentration
exclusive du talent artistique dans certains individus », Papaioannou
l’a qualifiée de « naïve eschatologie ».[61] Il n’en reste pas moins
que, si l’on distingue à la suite d’Emmanuel Barot[62], deux visages du
communisme, le communisme-fin, c’est-à-dire les fins représentées et visées
subjectivement, et le communisme-mouvement qui y conduit, introduire l’égalité
des chances dans la pensée marxiste, c’est à la fois défigurer le but et rendre
impossible sa réalisation. La seule arme des travailleurs étant la solidarité
qui permet l’action collective, légitimer une vision du monde fondée sur la
compétition entre individus, c’est contribuer à entretenir une concurrence
fatale entre exploités. Mettre le doigt dans l’engrenage de la responsabilité
individuelle peut mener fort loin. Le socialisme libéral ne va-t-il parfois
jusqu’à reprendre à son compte la culpabilisation des chômeurs dont use sans
vergogne l’idéologie libérale[63] ? La vogue de « l’évaluation »
qui fait tant de dégâts parmi les salariés va de le même sens. Afin d’ouvrir la
voie à l’émancipation, Marx se devait de prouver que la misère ouvrière n’était
ni éternelle, ni naturelle, ni nécessaire, mais il n’a pas ressenti le besoin
de démonter qu’elle était imméritée tant la chose allait de soi.[64].
Mais depuis la chute du Mur, il s’est opéré dans l’ordre de l’imputation un
renversement inouï, ce n’est plus le capitalisme qui est incriminé, ce sont ses
victimes[65].
C’est vraiment à juste titre qu’Howard Zinn termine sa pièce, Karl Marx le
retour par une invitation à oublier le mérite !
[1] P. Massa, « Le mythe méritocratique dans la
rhétorique sarkozyste : une entreprise de démoralisation », Contretemps,
septembre 2007, p. 130-144.
[2] Le Monde, 14 juin 2008.
[3] G. A. Cohen, Pourquoi pas le socialisme ?,
L’Herne, 2010, p. 20-23.
[4] P. Rosanvallon, La Société des égaux, Seuil, 2011,
p. 336-338.
[5] P. Massa, « La sociologie américaine :
sociodicée ou science critique ? Le cas de la mobilité sociale
ascendante », Revue d’histoire des sciences humaines, décembre
2008, p. 161-196.
[6] P. Massa, « Marx et la mobilité sociale », Contretemps,
juin 2011, p. 105-119.
[7] G. A. Cohen, Si tu es pour l’égalité, pourquoi es-tu si
riche ?, Hermann, 2010, p. 121-161.
[8] Lettre d'Engels à Bebel, publiée dans K. Marx et F.
Engels, Critique des programmes de Gotha et d'Erfurt, Ed. Sociales,
1972, p. 59.
[9]
Ed. Sociales, 1977, p. 125-136.
[10] Engels-Marx, La Première critique de
l’économie politique, UGE, 1975, p.
227.
[11] F. Kaplan, Les Trois communismes de Marx,
Noêsis, 1996, p. 85-90.
[12] Christophe Darmangeat, Le Communisme primitif n’est plus
ce qu’il était, Smolny, 2009, p.382.
[13] C. Baudelot, R. Establet, J. Toisier, P.O.
Flavigny, Pluriel, 1982, p. 199-200.
[14] C. Arnsperger et P. Van Parijs, Ethique économique et
sociale, La Découverte, 2000, p. 55.
[15] P. Corcuff, « L’égalité entre Marx et Rawls. A propos
d’Equality d’Alex Callinicos », Contretemps, mai 2001, p.
148.
[16] “Le socialisme en procès”, La Vérité, septembre 1994,
p. 83.
[17] Op. cit., p. 27-32.
[18]
L. Boltanski, L'Amour et la Justice comme compétences, Métailé, 1990.,
p. 207.
[19]
D. Bensaïd, Marx l'intempestif, Fayard, 1995, p. 157.
[20] D. Bensaïd, Les Dépossédés, La Fabrique, 2007, p. 52.
[21] Op. cit., p.30.
[22] I. Garo, Marx et l’invention historique, Syllepse,
2011, chapitre 4, p. 97-132.
[23] Op. cit., p. 30.
[24]
L. Trotsky, La Révolution trahie, Minuit, 1999, p. 38.
[25]
Lénine, « Les tâches immédiates du pouvoir des soviets », cité dans K.
Papaioannou, Marx et les marxistes, Flammarion, 1972, p. 320-321.
[26] F. Engels, Anti-Duhring, op.
cit., p. 229.
[27]
C. Baudelot, R. Establet et J. Malemort, La Petite bourgeoisie en France,
Maspero, 1981, p. 209-220. Qui travaille pour qui ?, op. cit., p.
126-130.
[28] J.-C.
Milner, Le Salaire de l’idéal Seuil,
1997, chapitre 2 « Le salariat bourgeois
», p. 23-34.
[29]
C. Castoriadis, « Les rapports de production en Russie », Socialisme ou
Barbarie, mai 1949, repris dans C. Castoriadis, La Société
bureaucratique, UGE, 1973, t. 1, p. 268-269.
[30] F. Engels, Anti-Duhring, op.
cit., p. 229-230. C. Castoriadis, « La hiérarchie des salaires et des
revenus », in Le contenu du socialisme, UGE, 1979, p. 441.
[31] P. Jalée, Le Projet socialiste. Approche
marxiste, Maspero, 1976, p. 58.
[32]
P. Kende et Zdenek Strmiska, Egalité et inégalités en Europe de l'Est,
PFNSP, 1984, « Les paradoxes de la répartition socialiste », p. 439-455.
[33] P. Massa, « La mobilité sociale en URSS comme phénomène
politique. Le regard des marxistes dissidents des années trente », Dissidences,
octobre 2009, p. 199-222.
[34]
Cité dans K. Mehring, Vie de Karl Marx, Pie, 1984, p. 434.
[35]
Amartya Sen, Ethique et économie, PUF, 1993, p. 290 et 282.
[36] Op. cit. 30.
[37] Ibid., p. 31-32.
[38] C. Castoriadis, « Socialisme et société autonome », in Le
Contenu du socialisme, UGE, 1979, p. 42-43.
[39]
L. Boltanski, L'Amour et la Justice comme compétences, op. cit., p.
211-212.
[40]
Pékin, Editions en langues étrangères, 1978, p. 120.
[41] Op.
cit., p. 372.
[42]
La Critique du programme de Gotha se situerait de ce point de vue dans
la continuité des Manuscrits de 1844 cf. L. Amodio, « La révolution
bolchevique : l'interprétation de Rosa Luxemburg », dans Institut Feltrinelli, Histoire
du marxisme contemporain, Paris, UGE,1976, t. 2, p. 201 et 256.
[43] J. Rawls, Théorie de la justice,
Seuil, 1997, p. 97.
[44] Tony Andréani et Marc Ferray, Discours
sur l’égalité parmi les hommes, L’Harmattan, 1993, p. 81-84.
[45] Editions Sociales, 1977, p. 136.
[46] Henri Maler, Convoiter l’impossible,
A. Michel, 1995, p. 391.
[47] D. Linhardt, « Le procès fait au Procès
de civilisation », Politix, n° 55, 2001, p. 172.
[48] Cité in Y. Bourdet, Communisme et
marxisme, Ed. M. Brient et Cie, 1963, p. 111.
[49] E. Pasukanis, La Théorie générale du
droit et le marxisme, EDI, 1970, p. 171.
[50]
Op. cit., p. 23.
[51] L.
Boltanski, op. cit., p. 212.
[52] P. -M. Menger, Le Travail créateur, Gallimard/Seuil,
2009, p. 287.
[53] W. Kymlicka, Les Théories de la justice, La
Découverte, 1999, p. 182-184.
[54] C. Castoriadis, « Valeur, égalité, justice, politique.
De Marx à Aristote et d’Aristote à nous » in Les Carrefours du
Labyrinthe, Seuil, 1978, p. 280.
[55] A. Honneth, La Société du mépris, La Découverte,
2006, p. 55 et 139.
[56] Abolir le hasard ?Responsabilité individuelle et justice
sociale, Vrin, 2008.
[57] Michael Burawoy, Actes de la recherche en sciences
sociales, juin 1989, p. 61-62.
[58] P. Massa, « Vae victis. La face sombre de la
méritocratie », Revue du Mauss permanente, 10 janvier 2000.
[59] D. Bensaïd, Les Irréductibles, Textuel, 2001, p. 77.
[60] Le philosophe et ses pauvres, Flammarion, 2007, p.
302.
[61] K. Papaioannou in Engels-Marx, La Première critique de
l’économie politique, op. cit., p. 238.
[62] Marx au pays des soviets ou les deux visages du
communisme, La Ville brûle, 2011 , p. 31-34.
[63] Mateo Alaluf, « Le socialisme libéral en quête de
généalogie », Contretemps, mai 2005, p. 162-164.
[64] C’est pour cette raison que L. Boltanski le range du côté de
la « politique de la pitié » au sens qu’Arendt a donné à cette
notion dans L’Essai sur la révolution. Il s’empare de la souffrance pour
en faire l’argument politique par excellence, cf. La Souffrance à distance,
Métaillé, 1993, p. 111-113.
[65] Patrick Pharo, L’injustice et le mal, L’Harmattan,
1996, p. 20-23.